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Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans…

CSCE image @Shutterstock

Editorial du CSC-EDUC N°159 - Mai 2022

Une fois n’est pas coutume, je vais débuter cet édito en parlant de moi ou plutôt de la première partie de ma carrière professionnelle quand j’étais enseignant. Cette profession, c’est comme le vélo ; quand on sait c’est pour la vie!

Ma carrière d’instituteur primaire fut ponctuée de moments inoubliables. J’allais à l’école chaque jour avec le sourire car je savais pertinemment bien que je participais (bien modestement) à la formation des adultes de demain, essayant de leur inculquer les valeurs qui allaient les forger et les épanouir dans leur future vie d’adultes et de citoyens. C’était beaucoup plus qu’un principe et, avec mes collègues, nous étions convaincus que débattre et placer  l’enfant au centre de sa formation étaient indispensables.

Nous y parvenions… au prix de quels efforts ? Tout d’abord, en échangeant souvent et beaucoup, car nous estimions qu’un travail collectif et collaboratif était plus porteur que le travail individuel. Chaque semaine, nous échangions lors de rencontres organisées pendant nos pauses de midi ou après la fin des cours. Nous n’avons pas attendu 1998 et son décret qui imposait les 60 périodes hebdomadaires de concertation. Ensuite, en mettant régulièrement la main au portefeuille pour pallier les manques cruels de moyens : achat de matériel ou de livres, participation à des événements divers, achat du «dix heures» pour l’élève défavorisé que ses parents ne pouvaient pas «gâter» et qui enviait ses copains,... 

Même si c’était le début de la concertation sociale dans l’enseignement, nous rencontrions le Pouvoir organisateur qui rechignait à jouer la transparence quand nous abordions le délicat dossier des moyens financiers. C’était le moment où les esprits se cabraient, où nous entendions régulièrement la sempiternelle expression «N’oubliez pas que nous sommes bénévoles». Quel affront ! Comme si les enseignants n’étaient pas, eux aussi et plus souvent qu’à leur tour des bénévoles. Je l’étais, quand je participais à des festivités pour faire rentrer l’argent dans les caisses ; je l’étais, quand il fallait accompagner les élèves 24h/24 lors d’activités extérieures ; je l’étais encore, lorsqu’il fallait surveiller la cour de récréation tôt le matin ou tard le soir ; je l’étais, quand... 

«Nous sommes des bénévoles». C’est probablement la phrase que j’ai le plus entendu de la bouche des employeurs dans ma carrière de permanent syndical. Elle avait le don de me faire sortir de mes gonds. Je la trouvais (et la trouve toujours) d’une bassesse inouïe. A moins qu’elle n'ait servi à justifier l’incompétence???

Autre souvenir... Chaque année, nous attendions avec inquiétude la composition de nos futures classes et nous comparions les chiffres: 25 ou 28 élèves. Nous savions qu’au-delà de 20, nous n’allions pas pouvoir accorder à chacun le temps et l’attention indispensables et facteurs de réussite.

Je pourrais continuer cette liste mais vous la connaissez aussi bien que moi car il faut dresser un constat : les années ont passé et peu de choses ont changé. La mauvaise qualité de notre enseignement telle qu’elle transparait dans les études internationales est trop souvent imputée aux personnels de l’enseignement. Le Pacte d’excellence qui est initié depuis plusieurs années a  pour vocation d’améliorer le système. Il faudra des années à condition de créer le climat de confiance indispensable avec les acteurs du terrain. 

Aujourd’hui, cette confiance est ébranlée : vous l’avez dit le 10 février à Bruxelles. Vous l’avez répété le 29 mars dans les rues de Mons. 

Au-delà de la réforme du système, une sérieuse amélioration des conditions de travail est indispensable. Elle passe, qu’on le veuille ou non, par une revalorisation financière. 

Nous continuons à exiger une prise de conscience de tous ceux qui exercent une responsabilité en matière d’enseignement, qu’ils soient professionnels ou «bénévoles». Les signaux que nous recevons pour l’instant sont loin de nous rassurer.

La manifestation du 5 mai à Liège ne suffira peut-être pas. Nous devrons probablement remettre l’ouvrage sur le métier dès la rentrée du mois d’août puisque le Parlement a voté la réforme du calendrier scolaire. Vous en lirez les premiers impacts sur votre carrière dans ce numéro. 

Roland LAHAYE, Secrétaire général de la CSC-Enseignement

 


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