Actualité sociale
26/02/2025
Comment le gouvernement Arizona s’en prend aux femmes ?

Le nouveau gouvernement de droite en Belgique vient de se former. Parmi les plus précaires qui vont être impactés par les nouvelles mesures, les femmes le seront lourdement et dans différents domaines. Coup de projecteur sur les mesures néfastes pensées par le « white boys club de l’Arizona ».
Pensions
L’Arizona compte faire près de 2,4 milliards d’économie sur les pensions en s’attaquant à nos droits. Les mesures vont toucher les travailleuses de plein fouet puisque ce sont les périodes assimilées (ces périodes où on ne travaille pas, mais qui sont assimilées comme telles pour le calcul de la pension) qui sont fortement attaquées. En effet, l’Arizona compte renforcer la condition de travail effectif pour l’accès à la pension minimum, à la pension anticipée et aux crédits-temps fin de carrière. Cette condition exclut de facto un grand nombre de travailleuses qui n’auront pas comptabilisé assez de jours de travail effectif tout au long de leur carrière. De plus, l’Arizona s’attaque aussi aux périodes assimilées en diminuant leur prise en compte pour l’accès à la pension et pour le montant de la pension. Par exemple, si vous prenez un crédit-temps fin de carrière, le montant de votre pension sera d’office réduit. A nouveau, ces mesures vont diminuer les droits en pension des travailleuses. Enfin, l’Arizona veut mettre fin à la pension de survie, cette pension qui accordait des droits aux travailleuses dont le conjoint a travaillé, mais qui, elles, n’ont pas travaillé. Si nous sommes d’accord d’individualiser les droits en pension et ne plus faire dépendre de droit du conjoint, ces travailleuses (près de 140.000) qui ont pour l’instant une pension de survie, vont, après 2 ans, se retrouver au CPAS (si elles y ont droit). L’Arizona n’a en effet pas prévu d’alternatives. Elles vont donc pour une grande partie devoir subir une perte de revenu importante.
Congés de parentalité
Les congés de maternité et de naissance (« paternité »), ainsi que les crédits-temps et congés thématiques permettent aux parents – c’est-à-dire malheureusement encore bien trop souvent, aux femmes – de mieux concilier leur vie professionnelle et leur parentalité.
Force est de constater que l’Arizona ne prévoit aucune amélioration à ce niveau. En effet, il se limite à créer un « crédit familial » dans lequel seraient intégrés les congés existants, mais sans prévoir aucune augmentation des droits pour les travailleuses. Nous sommes donc bien loin des revendications portées par la CNE : amélioration des revenus de remplacement (allocations de maternité, de congé parental et de crédit-temps), allègement des conditions d’accès aux congés et prise obligatoire du congé de naissance (paternité) par le ou la co-parent.e.
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Flexibilité
La flexibilité, pour les patrons, c’est de ne devoir payer la force de travail qu’au fur et à mesure de leurs besoins, au jour le jour. Comme ils le disent eux-mêmes, l’Arizona leur offre « le meilleur accord de gouvernement des 20 dernières années » ! Et ce sont évidemment les femmes qui payeront le plus lourd tribut de cette flexibilité. Les employeurs pourront embaucher pour seulement quelques heures par mois (car le temps de travail minimum obligatoire sera supprimé). Ils pourront faire prester des heures supplémentaires soi-disant « volontaires » jusqu’à 360h/an, sans sursalaire ni récupération. Ils pourront même faire travailler la nuit (là où c’était auparavant interdit) voire tous les dimanches (les commerces n’auront plus de jour de fermeture obligatoire) ! Tout ceci, sans devoir négocier des limites et/ou des compensations (notamment des primes) avec les syndicats.
Ces pressions pour travailler à de mauvaises heures (week-ends, heures plus matinales, travail de nuit, heures supplémentaires) et de manière instable seront d’autant plus pénibles qu’elles auront des effets négatifs sur la santé et sur la conciliation entre le travail et la vie privée et familiale. Beaucoup de travailleuses ne tiendront pas le coup et tomberont malades !
+ PUBLICATION | Retrouvez cet article dans notre " Droit de l'employée de mars 2025 "
En parallèle, toutes les formes de travail instables seront fortement étendues. Les flexi-jobs seront ouverts à toutes les entreprises (et le plafond de revenus sera augmenté). Le travail étudiant exonéré passera à 650h (au lieu de 475h). L’Arizona forcera le recours au travail intérimaire à durée indéterminée et assouplira la mise à disposition de personnel d’un employeur à l’autre.
Dans certains secteurs, ces mesures auront un impact encore plus fort sur les femmes. Dans le Commerce, par exemple, où les femmes sont majoritaires, encore plus parmi les temps partiels, plusieurs mesures inquiètent particulièrement. C’est le cas de l’annualisation du temps de travail. Aux travailleuses à temps partiel, les employeurs pourront imposer des horaires à temps plein pendant les semaines de forte activité avec un salaire à temps partiel. Aujourd’hui, lors de périodes de rush, une travailleuse à temps partiel peut se voir proposer des compléments d’heures, notamment via des avenants à son contrat de travail. Elle bénéficie alors d’un salaire plus élevé pendant ces périodes et peut refuser si travailler plus d’heures à ce moment-là ne lui convient pas. Avec l’annualisation du temps de travail, la travailleuse perd complètement la main sur son temps de travail. Par exemple, elle pourra travailler à temps plein (alors qu’elle travaille de base à mi-temps) pendant les soldes, au mois de juillet pour un salaire de 18h. Cependant, au mois de février, lorsque l’activité est plus calme, elle restera chez elle. Sauf que si elle a des enfants à charge, ses enfants seront à l’école. Cela ne l’arrangera peut-être pas. Mais elle n’aura pas le choix. D’autres mesures qui inquiètent sont celles qui visent à étendre les heures d’ouverture des magasins. Alors que la plupart des travailleuses du Commerce ont des horaires variables, qu’elles travaillent le samedi et déjà parfois le dimanche, ce sera encore plus difficile de concilier leur vie privée avec leur boulot. Par ailleurs, l’extension des heures d’ouverture augmentera encore la charge de travail déjà problématique dans le commerce. Les ventes seront étalées sur de plus grandes plages horaires pour renforcer la guerre des enseignes en matière de part de marché, mais cela n’amènera aucune création d’emplois.
Malades de longues durées
L’Arizona prévoit de remettre ces malades au travail. Et puisque la méthode « douce » des précédents gouvernements n’a pas fonctionné, le ton est durci :
- Chaque malade qui a un potentiel d’emploi devra obligatoirement suivre un parcours de réintégration professionnelle ;
- L’indemnité de maladie sera suspendue en cas d’absence sans justification à une invitation du médecin du travail ou de la mutuelle dans le cadre de la réintégration ;
- L’indemnité de maladie sera réduite de 10% pour les personnes qui ne collaborent pas assez à leur réintégration ;
- Le délai pour rompre le contrat de travail pour maladie de longue durée (sans préavis ni indemnité) sera raccourci de 9 mois à 6 mois ;
- Les médecins qui prescrivent des certificats médicaux trop nombreux ou trop longs seront sanctionnés ;
- Les mutuelles verront leur financement conditionné à leurs résultats de réintégration des malades sur le marché du travail.
Les femmes représentent 60% des invalidités, toutes causes confondues. Lorsqu’il s’agit des invalidités pour burnout ou dépression, ce pourcentage s’envole à 69% des cas. Ce sont bien elles qui seront visées en premier lieu par la chasse aux malades : il est plus facile d’estimer qu’il y a un « potentiel de retour à l’emploi » pour les troubles psychiques que pour les affections physiques, car ils sont moins visibles, plus méconnus et moins bien acceptés socialement.