Comment Decathlon méprise ses travailleurs et la concertation sociale
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La fermeture de l’entrepôt de Decathlon à Willebroek démontre que sans collectif, les travailleurs sont perdants en se retrouvant seuls face à une multinationale. Malgré 17 millions d’euros de bénéfices annuels réalisés grâce aux travailleurs, les négociations ont été rudes. Le futur se jouera dans les magasins…
Decathlon s’affirme comme une entreprise libérée. Pour eux, le syndicat ou les négociations collectives, c’est du passé. Dans son dépôt, tout comme en magasin, chacun fait partie d’une équipe et les travailleurs sont des "Decathloniens" passionnés par le sport. Parmi le personnel présent, il y a une part importante d’étudiants qui n’ont pas d’autre choix que de travailler pour financer leurs études.
Le mépris de la concertation sociale
La première difficulté dans cet entrepôt a concerné la négociation du travail de nuit. En novembre 2018, les patrons de Decathlon ont essayé d’imposer le travail de nuit et ce, en exerçant des pressions comme en témoigne un article du Trends publié à l’époque qui s’intitule "L’ultimatum de Decathlon". Ils n’y sont finalement pas arrivés. En Belgique, le travail de nuit est interdit sauf exception négociée dans certains secteurs. Cette interdiction se justifie car il a un impact négatif sur la santé des travailleurs et amène beaucoup de difficultés de conciliation vie privée - vie professionnelle. Dans les secteurs où le travail de nuit est autorisé, il se négocie donc au niveau du Conseil d’entreprise avec les délégués qui représentent les intérêts collectifs des travailleurs.
Une seconde difficulté est apparue durant la période du Covid où l’équipement pour les travailleurs était insuffisant.
Au fur et à mesure, s’installe dans l’entreprise un management qui semble toxique. Les CDI sont octroyés au compte-goutte et la pression s’accentue. Les travailleurs sont licenciés progressivement. Des travailleurs sont poussés vers la sortie via "des communs accords". Les libérations des délégués ne sont pas respectées avec une mise à pied pour l’un d’entre eux.
Les travailleurs méritent le respect
En décembre 2023, les syndicats (Setca et CNE) déposent une plainte à l’auditorat du travail pour non-respect de la concertation sociale durant cinq années. C‘est à partir de ce moment-là que ça a changé. L’équipe des ressources humaines a été licenciée et des négociations ardues ont commencé concernant la fermeture de l’entrepôt situé à Willebroek qui employait 131 travailleurs à durée indéterminées, ainsi que des CDD et des étudiants.
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Un accord entre Decathlon et les syndicats a finalement pu être trouvé concernant la reprise de l’entrepôt par une autre société.
Cependant, malgré le travail des représentants syndicaux pour obtenir le maximum possible concernant le maintien des conditions de travail et de salaires à la suite du transfert, la plupart des travailleurs ont choisi de quitter l’entreprise avec le minimum légal. Les autres options sur la table n’ont pas été rendues assez attractives et les travailleurs n’ont pas été suffisamment rassurés pour s’y engager.
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Chaque travailleur de Decathlon doit être traité avec respect et équité. Decathlon, une société qui fait 17 millions d’euros de bénéfices en moyenne chaque année, doit maintenant montrer qu'elle est capable de continuer à écouter ses employés et de s'engager durablement dans la concertation sociale, sans se contenter des minimums légaux. L’enjeu est maintenant de pouvoir défendre les intérêts des travailleurs présents dans les magasins. Sans négociation collective, les travailleurs seront toujours perdants.