"Il faut responsabiliser les malades de longue durée": info ou mytho?
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La Belgique compte plus de 500.000 malades de longue durée. Mais pour les patrons ou les politiciens de droite, "il faut responsabiliser ces malades de longue durée". Bonne ou mauvaise idée? Réponse.
De quoi parle-t-on?
En Belgique, les personnes qui tombent malades reçoivent (éventuellement après une période de salaire garanti) un revenu de remplacement versé par leur mutuelle, mais financé par la Sécurité sociale. Si la maladie se poursuit après un an, on parle de maladie de longue durée. Le montant de l’indemnité varie selon la situation familiale: 65% du dernier salaire (plafonné à 4.650€ bruts) si on a une ou plusieurs personnes à charge, 55% si on est isolé et 40% si on est cohabitant.
Fin 2022 (dernières données disponibles), on dénombrait 471.927 travailleurs malades de plus d’un an. Ce nombre, plus élevé que le chômage, augmente chaque année.
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Depuis 2023, le gouvernement a prévu des sanctions pour les malades qui ne "collaborent " pas avec la mutuelle en vue de leur remise à l’emploi, sous la forme de retenues sur le montant de l’indemnité.
Le futur gouvernement Arizona prévoit de renforcer ces sanctions et de créer de nouvelles mesures de "responsabilisation".
Actuellement, le nombre total d’emplois vacants en Belgique est de 185.000. Il serait donc impossible de trouver un poste pour les 500.000 personnes qui reviendraient à l’emploi ou pour leurs remplaçants (qui se retrouveraient sans emploi) sans en créer de nouveau.
MYTHO
Sanctionner les malades permet-il de les remettre à l’emploi? Non car...
- C’est le travail qui rend malade
Pour 56% des malades de longue durée, le travail est responsable (au moins en partie) de l’incapacité de travail. Plus d’un tiers des malades souffre de troubles psychiques (burnouts ou dépressions). La deuxième cause se situe au niveau des troubles musculosquelettiques (affections des articulations, muscles et tendons). Si c’est le travail qui rend malade, quel serait le sens de la remise au travail, à part aggraver la maladie, ou multiplier les rechutes?
- Les patrons refusent de réintégrer
Les malades qui veulent retourner travailler dans le cadre d’un "mi-temps médical" sont soumis à l’arbitraire de l’employeur, qui peut refuser de les réoccuper. En outre, 9 entreprises sur 10 ne possèdent pas de plan pour aider les malades à revenir au boulot (alors que c’est obligatoire). Surtout, lorsqu’on entame une procédure de remise au travail, cela aboutit dans 80% des cas à un licenciement pour raisons médicales (sans préavis ni indemnités).
- Les études montrent le contraire
Selon toutes les études, les sanctions n’ont aucun effet sur la reprise du travail des malades. Par exemple, une étude de 2017 montre que si les sanctions augmentent l’emploi chez les non-malades (vers des emplois de moindre qualité!), pour les malades elles ont un impact nul, voire négatif, sur le retour à l’emploi.
Le point de vue syndical
Vouloir remettre au travail coûte que coûte, sans se demander pourquoi il y a tant de malades, c’est une logique perfide. D’une part, cela contribue à propager l’idée selon laquelle les malades le sont par complaisance. Cette stratégie vise à renvoyer la responsabilité sur les individus (et donc à les diviser). D’autre part, cela permet aux politiciens et aux employeurs de se dédouaner de leur responsabilité quant aux causes de l’explosion du nombre de malades. Ces causes sont liées aux mauvaises conditions de travail, ainsi qu’à l’allongement des carrières: 75% des malades de longue durée ont plus de 45 ans, et plus l’âge augmente, plus il y a de malades. Il s’agit de gens qui ne peuvent plus (ou plus difficilement) partir en pension (anticipée), en RCC (prépension) ou prendre un crédit-temps fin de carrière.
Il faut s’attaquer au travail qui rend malade, et pas aux malades!