"Limiter les allocations de chômage dans le temps crée de l’emploi": info ou mytho?

Ce n’est un secret pour personne : il est fort probable que le prochain gouvernement fédéral veuille limiter dans le temps les allocations de chômage et exclure après 2 ans les travailleurs sans emploi du chômage. Et ce, au nom de la création d’emplois. Petit décodage.
Mais de qui parle-t-on?
Aujourd’hui en Belgique, près de 300 000 travailleurs perçoivent des allocations de chômage en tant que chômeurs complets indemnisés. 47% d’entre eux (moins de la moitié) perçoivent des allocations de chômage depuis plus de deux ans : ils sont 36.000 à Bruxelles ; 43.000 en Flandre et 59.000 en Wallonie.
Une partie non négligeable d’entre eux (37%) ont travaillé ces dernières années, mais pas assez que pour ne plus être considérés comme chômeurs de longue durée. En effet, pour recommencer une nouvelle période de chômage, il faut avoir connu une interruption du paiement des allocations d’au moins 3 mois consécutifs. Cela signifie qu’une partie importante des chômeurs dits « de longue durée » font des aller-retour réguliers entre des périodes de travail courtes (probablement de l’intérim) et des périodes de chômage.
Qui a droit aux allocations de chômage?
Pour avoir accès aux allocations de chômage, il faut soit avoir travaillé un minimum de jours pendant une période de référence (un peu plus d’un an à temps plein pour une personne âgée de moins de 36 ans, un nombre plus important pour les travailleurs plus âgés) soit avoir terminé ses études et avoir terminé son stage d’insertion (qui dure environ 1 an) et avoir obtenu deux évaluations positives du Forem avant 25 ans. Ces conditions rendent l’accès aux allocations de chômage en Belgique particulièrement restrictif comparé aux autres pays.
MYTHO
Plusieurs études déjà réalisées sur base des données en Belgique ont démontré que restreindre les allocations de chômage n’a pas d’effet sur l’emploi .
Une étude de l’IRES (1) montre que la suppression des allocations d’insertion pour les jeunes de plus de 25 ans (réforme du gouvernement Michel) n’a pas eu d’effet significatif sur la probabilité de trouver un emploi.
Une étude de l’ONEM (2) qui analyse 10 ans (de 2010 à 2020) de renforcement de la dégressivité des allocations de chômage montre qu’elle n’a aucun effet positif sur le retour à l’emploi.
Une étude de l’OCDE (3) arrive aux mêmes conclusions : rien n’indique un transfert des allocations de chômage vers le travail depuis la réforme qui a augmenté la dégressivité.
Au contraire, plusieurs études (Oxford et OFCE) montrent que la diminution des revenus des demandeurs d’emploi diminue les chances de finir une formation et donc de trouver un emploi de qualité par après.
Quelles seront les conséquences de la limitation des allocations de chômage dans le temps?
Des conséquences notables s’imposent… D’une part, une probable baisse de revenus pour une partie des travailleurs au chômage et donc des difficultés financières plus importantes. D’autre part, un transfert du budget de la Sécurité sociale fédérale vers les CPAS (puisqu’une partie des chômeurs exclus se tourne vers le CPAS) et donc les finances publiques communales.
(1) Regards économiques, 2022
(2) Dix ans de dégressivité renforcée des allocations de chômage, ONEM
(3) OCDE, 2022
Le point de vue syndical
Limiter les allocations de chômage dans le temps est une attaque envers l’ensemble des travailleurs.
L’objectif principal du patronat et de la droite en limitant les allocations de chômage dans le temps est d’affaiblir l’ensemble des travailleurs. En effet, quand ils s’attaquent aux droits des chômeurs, c’est en fait notre rapport de force pour obtenir des hausses de salaires et de bonnes conditions de travail qu’ils attaquent : qui pourra encore obtenir des augmentations de salaire si des dizaines de travailleurs sans emploi et sans allocations sont à la porte de votre patron pour lui quémander un travail ? Qui osera encore s’opposer à une baisse des conditions de travail ? En limitant les allocations de chômage dans le temps, c’est en fait tous les salaires que la droite et les patrons veulent faire baisser.