L’édito de Felipe Van Keirsbilck après la montée de l’extrême-droite: "À nous d’organiser la résistance!"

Au lendemain des élections fédérales et européennes de 2024, Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la Centrale nationale des employés, réagit à la progression inquiétante de l’extrême-droite en Belgique et dans ses pays voisins.

---

Jeudi dernier, sur une plage de Normandie et devant cent caméras, on commémorerait le débarquement de 1944. Quelques vétérans centenaires se souvenaient de l’enfer d’il y a 80 ans, de ce jour où ils ont risqué leur peau pour que l’Europe soit libérée de la bête immonde, et que nos grands-parents puissent se jurer « Plus jamais ça ! Plus jamais la folie du racisme et de la haine… »  

Mais exactement trois jours plus tard, les millions d'Européens appelés aux urnes ont envoyé 178 député.es fascistes ou d’extrême-droite au Parlement Européen. En Autriche, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Pologne, des partis ouvertement racistes et bafouant l’État de droit arrivent parmi les premiers. En France, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen avec un ancien SS recueille un suffrage sur trois ! Chez nous on est soulagés que le Vlaams Belang ne soit pas le premier parti Flandre, mais il continue à augmenter, et convainc presqu’un Flamand sur 4 – sans avoir jamais rompu tout-à-fait ses liens avec d’anciens collaborateurs ou sympathisants des nazis.

Bien sûr on peut se réjouir que l'extrême droite raciste échoue une nouvelle fois en Belgique francophone. 

Le principal parti francophone d’extrême-droite en Wallonie et à Bruxelles réunit moins de voix que l'ensemble des petits partis racistes il y a 5 ans. Il aura zéro député dans les parlements francophones en Belgique [1].

Mais il y a plus inquiétant que ces scores visibles : la pénétration des idées et des clichés de l'extrême-droite dans beaucoup de partis réputés « honorables ». On a entendu ces dernières semaines les multiples dérapages (très bien contrôlés) des sbires de Georges-Louis Bouchez, comme le « Vous n’êtes pas obligé de rester en Belgique » lancé par Pierre-Yves Jeholet à un candidat d’origine marocaine. Pour le MR, il s’agissait sans doute de dire à un électorat qu’il courtise et méprise, « nous pouvons être presque aussi raciste que les racistes officiels » … tout en préservant les apparences. Et en banalisant les idées de ségrégation et de division de la population.

Vous devez accepter les cookies de marketing pour voir la vidéo sur ce site ou lisez la vidéo depuis le site fournisseur

 

Bon nombre de partis de droite (ou de pseudo-gauche – souvenez-vous de Conner Rousseau ivre vomissant sa haine des étrangers) ont intégré et banalisé des éléments de la vision raciste ou inégalitaire de l’extrême-droite sur les chômeurs, les pauvres, les malades, les migrants. Ce ne sont pas seulement les étrangers, les femmes, les homos ou les « inutiles » qui sont menacé.es. C’est tout un modèle de société basé sur des droits et libertés : sécurité sociale, enseignement, soins de santé, droit de grève et de négociation, protection contre la pauvreté,…

Sacrifié aussi dans ce grand glissement à droite, l’enjeu de la défense d’une planète habitable. En matière de climat, l’extrême-droite sous ses formes dures ou banalisées est largement négationniste, ou veut confier aux multinationales (Total, Monsanto, etc.) la gestion de ce défi.

 

Alors, ils ont débarqué pour rien, les boys venus des States, du Canada, etc. ? Ils sont morts pour rien, les Jean Moulin et les Guy Môquet fusillés pour avoir résisté ? Non ! Cette génération-là a fait son boulot, et l’Europe n’a plus eu de régimes fascistes (sur son sol …) pour au moins deux générations. Mais ni la soif du pouvoir à tout prix n’a disparu, ni l’utilisation par les grands capitalistes de boucs émissaires pour diviser les travailleurs et mieux pouvoir nous exploiter.

Pas plus qu’aucun de nos droits conquis, la paix, la sécurité ni la justice ne sont des rentes éternelles. De Wever et Bouchez préparent les sauts d’index et la baisse des salaires, les coupes dans les soins de santé, l’allongement des carrières et le recul de tous nos droits. C’est à nous d’organiser la résistance : ce sera un long combat, d’abord dans les esprits. Nous le mènerons ensemble, dans les entreprises, dans les quartiers et les communes, partout autour de nous, et nous le gagnerons ensemble, comme vous avez presque partout gagné les élections sociales (bravo et merci !) : vos collègues veulent plus de droit et de justice, et ils savent qu’ils peuvent compter sur vous pour les organiser et les défendre.