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Tests PCR sur le lieu de travail: pas une bonne idée

Les partenaires sociaux souhaitent réagir à la suite de la proposition récente sur la possibilité pour les employeurs de proposer des tests à leurs travailleurs via des laboratoires de biologie clinique, tests que les travailleurs seraient libres d'accepter ou de refuser.

Certaines entreprises ayant des implantations à l’étranger apprennent que cela a lieu dans certains pays, parfois en s’inspirant de recommandations internationales, et envisageraient de le prévoir également dans notre pays, sur base volontaire ou non.

Les partenaires sociaux au sein du Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail ne sont pas d’accord avec de telles propositions pour les raisons suivantes. 

Seule la réglementation peut stipuler qu’un employeur peut soumettre ses travailleurs à des tests. Même lorsque l’employeur n’impose pas mais offre ces tests, cela a lieu dans une relation de travail. L’autorité de l’employeur est toujours intrinsèquement présente. Le côté volontaire de donner suite ou non à une telle offre est donc relatif. 

L’infirmier ou le médecin du laboratoire de biologie clinique à qui il est demandé d’exécuter ces tests est lié par le secret professionnel médical : un employeur ne peut donc en aucun cas être mis au courant des résultats de ces tests. Les résultats des tests peuvent uniquement être communiqués au travailleur ou, avec son accord, au médecin traitant.

Le testing systématique n'apporte presque rien à la limitation de la propagation du virus

Sur base des connaissances actuelles, le testing systématique n’est particulièrement pas judicieux dans un contexte de travail ordinaire car il n’apporte presque rien à la limitation de la propagation du virus :

  • les entreprises dans notre pays prennent déjà des mesures de prévention pour combattre la transmission du virus. Elles peuvent, à ce sujet, se baser sur le Guide Générique qui a été réalisé avec les partenaires sociaux du Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail et sur les compléments sectoriels de celui-ci, qui peuvent être consultés gratuitement sur le site web du SPF ETCS. Ce n'est que dans les établissements où le risque de transmission du virus est inhérent à la nature du travail, comme par exemple les départements COVID-19 des hôpitaux, maisons de repos, les métiers avec un contact intense inévitable avec d’autres personnes ou des centres de recherche et des laboratoires qui manient des échantillons contaminés, qu'il peut être utile de procéder à des tests en tant qu’élément d’une stratégie déterminée par les autorités de santé publique afin de limiter la transmission du virus à l’égard des travailleurs et des groupes particulièrement vulnérables, toujours en complément d’autres mesures strictes de protection;
  • les tests PCR qui doivent démontrer une infection récente au virus, ne donneront pas seulement particulièrement peu de résultats positifs en raison de la lente propagation du virus lorsqu’on respecte les règles, mais ne donneront pas non plus toujours le résultat correct. Les résultats faux négatifs sont tels que, pour diverses raisons, il est impossible actuellement d’établir avec certitude qu'une personne n'est pas contagieuse au moment où elle passe le test. Le résultat négatif du test n’est donc pas suffisamment fiable. De plus, un résultat de test négatif ne l’est qu’au moment de la prise de l’échantillon et cela n’offre dès lors aucune garantie dans un avenir proche ou lointain : un travailleur peut entrer en contact avec le virus dans un délai très court après avoir subi ce test et être infecté ou devenir contagieux après la période d'incubation. Le risque est de créer un faux sentiment de sécurité chez le travailleur et l’employeur et d'assouplir de manière injustifiée les mesures de prévention efficaces en tant que telles ou de les appliquer moins rigoureusement lorsque les tests se révèlent négatifs;
  • les tests sérologiques visent à évaluer s’il y a des anticorps dans le sang qui indiquent que qu’une infection virale a eu lieu et qu’il y a donc peut-être immunité. Il existe à ce moment encore beaucoup d’incertitudes concernant l’immunité des personnes qui ont été contaminées par le virus COVID-19. On n’est pas certain du nombre d’anticorps qui doivent être présents dans le sang pour être protégé du virus. Même si on a déjà plusieurs anticorps dans le sang, il n’est pas encore sûr que ces anticorps sont/seront suffisamment spécifiques pour repousser le virus ou pour protéger contre une version mutée du virus. Il n’y a pas davantage de clarté sur la durée de cette protection. Une nouvelle contamination n’est pas exclue par la détection d’anticorps. Ici aussi, il est donc question de faux sentiment de sécurité.

L’obligation d’instaurer des tests au niveau de l’entreprise n’est pas légale.

La possibilité d’exécuter des examens médicaux et de tests biologiques dans le cadre de la relation de travail est délimitée légalement par la loi du 28 janvier 2003 relative aux examens médicaux dans le cadre des relations de travail (la « loi Mahoux- Vanlerberghe ») et par le code du bien-être au travail.

Ces examens médicaux et tests biologiques peuvent uniquement être demandés ou exécutés pour autant qu’ils examinent l’aptitude actuelle du travailleur, en tenant compte des risques liés au poste de travail. Cela doit être réalisé par le conseiller en prévention - médecin du travail qui doit communiquer sa décision à l’employeur via un formulaire pour l’évaluation de la santé. Ce dernier ne peut pas contenir de diagnostic, ni de référence à celui-ci, et donc le résultat d'un test non plus.

Quand l’employeur a constaté, sur base de l’analyse de risques, que certains travailleurs par leurs activités, peuvent être exposés à des agents biologiques, et donc également au virus du COVID-19, le conseiller en prévention – médecin du travail peut décider, pour ces travailleurs, de manière autonome, que faire passer des tests PCR et/ou sérologiques est nécessaire pour le dépistage respectivement du virus du COVID-19 et des anticorps pour exécuter leur travail. Cela peut, par exemple, être le cas pour le travail dans les soins de santé, y compris du travail en département d’isolement, le transport de patients positifs ou supposés positifs au COVID-19, le travail dans les laboratoires de diagnostique où le virus est dépisté, et naturellement aussi quand il est intentionnellement travaillé avec le virus, par exemple dans les départements de recherche ou de production pour le développement d’un vaccin. En dehors de ces cas, il est interdit d’obliger les travailleurs de se soumettre à de tels tests.

Le médecin du travail n’a pas non plus la tâche de collaborer à des tests qui tombent en dehors du cadre de la médecine du travail. Le médecin traitant du travailleur est la personne la plus indiquée pour l’exécution d’un tel test lorsqu’il y a une raison de le réaliser, étant donné qu’il connait le mieux son patient et peut le soigner si les résultats d’un tel test l’exigent. Si ce travailleur est positif au test, le système de contact tracing sera déclenché.

Ce système de contact tracing, qui présente encore certains manquements, a été mis en place comme mesure de santé publique et s’applique aux jeunes et aux vieux, aux travailleurs, aux chômeurs, aux pensionnés, aux hommes et femmes au foyer,…

Ce système, du domaine de la santé publique, sort du cadre de la relation entre l’employeur et le travailleur et s’adresse bien plus largement à toutes les personnes qui sont entrées en contact avec des personnes contaminées. C’est un élément de la politique réfléchie pour empêcher la propagation du virus et il ne relève donc pas de la compétence de l’employeur de prendre quelque initiative en la matière. S’il est constaté une contamination au virus chez un travailleur, il ou elle sera contacté(e) pour donner des informations concernant les contacts dans les jours précédant l’apparition des premiers symptômes. Les personnes avec qui le travailleur contaminé a eu un contact rapproché (minimum 15 minutes à moins de 1,5 mètre) seront invitées à rester en quarantaine pendant 14 jours. Cela s’appliquera donc également aux collègues qui ont été en contact rapproché avec le travailleur. Les personnes qui ont eu un contact moins proche avec la personne concernée seront également invitées à prendre des mesures de prévention.

À cet égard, il pourrait être envisagé de soumettre systématiquement les personnes qui ont été en contact rapproché avec des personnes infectées à un test PCR, et cela en dehors de l'entreprise.

Il n’y a actuellement pas de rôle clair prévu pour les médecins du travail dans le contact tracing. Les partenaires sociaux sont d’avis, à ce sujet, que le contact tracing dans l’entreprise peut être fait de manière plus efficace et rationnelle en attribuant un rôle de prévention et de coordination aux structures de prévention et au médecin du travail en particulier, pour aider à déceler les contacts étroits sur le lieu de travail et être attentif aux éventuels développements préoccupants au niveau de l’entreprise (nombre de travailleurs contaminés, postes de travail, analyse des risques ciblée, rapportage et le cas échéant, déclaration de maladie professionnelle). A cette fin, le médecin du travail peut veiller à ce que seuls les travailleurs pour lesquels c’est judicieux soient placés en quarantaine, et pas les autres. Quand un travailleur est testé positif, il est également indiqué que le médecin traitant le communique (toujours avec l’accord du travailleur) au médecin du travail.

Les partenaires sociaux demandent avec insistance que les aspects concernant les matières du travail et ceux concernant la santé publique soient harmonisés afin d’optimaliser le contact tracing et/ou une éventuelle autre stratégie de contrôle.

  • Consulter le communiqué de presse des partenaires sociaux du Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail concernant les tests COVID-19 à l'initiative des entreprises.
  • Consulter la déclaration des partenaires sociaux du Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail du 1er juillet 2020.