Badges et empreintes au boulot : n'obéissez pas au doigt et à l'œil !

Votre vie privée au boulot (5)
Cette chronique juridique est la cinquième d’une série consacrée à votre vie privée au boulot. Chaque chronique de la série traite d’un aspect lié à votre droit à la vie privée au travail. Ce mois-ci, découvrez vos droits concernant votre identification et le traçage de vos allées et venues au boulot.
Il est fréquent que les entreprises vous imposent l’utilisation d’un badge. Dans certains cas, le badge reprend certaines données personnelles et permet de vous identifier (badges d’identification). Dans d’autres cas, le badge est muni d’un dispositif électronique qui permet de contrôler les accès aux bâtiments ou de comptabiliser vos heures de travail (badges de contrôle). Les entreprises peuvent également avoir recours à des applications qui détectent votre iris ou vos empreintes digitales. Mais comment êtes-vous protégés ? Quelles sont les limites à ces contrôles ?
LES BADGES D’IDENTIFICATION AU BOULOT
L’employeur peut-il vous imposer le port d’un badge d’identification ?
Le badge d’identification reprend certaines informations personnelles qui permettront de vous identifier sur votre lieu de travail (nom, photo, numéro de matricule). Selon le contenu de votre travail et l’environnement dans lequel vous l’exercez, l’employeur pourra éventuellement vous imposer le port d’un badge d’identification.
Par exemple, si vous êtes régulièrement en relation avec un public qui doit pouvoir vous identifier, l’employeur pourra valablement vous le demander.
Devez-vous porter ce badge d’identification de manière permanente ?
Votre employeur, après avoir consulté vos représentants syndicaux, pourra vous imposer le port apparent et permanent du badge ou opter pour un système de présentation du badge sur demande. Il sera dans l’obligation de choisir l’option qui, tout en permettant de vous identifier, sera la moins attentatoire à votre droit à la vie privée.
Quelles mentions doit comporter votre badge d’identification ?
Afin de préserver votre droit à la vie privée, il est primordial que les informations présentes sur votre badge soient les plus restreintes possible.
Votre employeur, toujours en concertation avec vos représentants syndicaux, devra étudier s’il est nécessaire pour le fonctionnement interne de l’entreprise d’y mettre à la fois votre nom et votre photo. De nouveau, la solution la moins attentatoire à vos droits devra en tous les cas être retenue. Seul le nom sera apposé si le badge a pour but de vous identifier. Seule la photo sera apposée si le badge a pour but de contrôler les accès aux bâtiments.
Il est également envisageable de remplacer le nom et la photo du badge par un simple numéro de matricule. Ceci permettra tout autant de vous identifier, mais constituera une atteinte moins grande à votre droit au respect à la vie privée. Le numéro de matricule peut constituer une alternative intéressante pour trouver un équilibre entre nécessité de vous identifier et respect de votre vie privée. C’est un bon compromis si vous estimez que votre identité personnelle doit être mieux protégée au boulot, en raison de l’environnement de travail ou du public avec lequel vous êtes en contact, par exemple.
Parfois, des motifs de sécurité peuvent justifier que vous portiez un badge comportant à la fois votre nom et votre photo (pour avoir accès à des institutions spécifiques par exemple, comme des ambassades ou des ministères).
LES BADGES DE CONTROLE AU BOULOT
A quoi sert votre badge de contrôle ?
Votre employeur vous impose peut-être le port d’un badge pour pouvoir accéder aux différents bâtiments ou sites de l’entreprise.
Il est également possible que votre employeur utilise ce même badge afin de vérifier si vous avez correctement presté vos heures de travail, en instaurant par exemple un système d’enregistrement ou de pointage.
Cette utilisation spécifique du badge est légale, à condition qu’elle ait été portée à votre connaissance par écrit et ce, dès votre premier jour dans l’entreprise. Le plus souvent, ce point est inscrit dans le règlement de travail suite à une concertation entre l’employeur et vos représentants syndicaux.
Votre employeur ne peut donc en aucun cas utiliser ce badge à d’autres fins que celles qu’il vous a annoncées, au risque de violer le principe de transparence que lui imposent les législations qui concernent le droit au respect à la vie privée.
LES APPLICATIONS BIOMETRIQUES AU BOULOT
Votre employeur peut-il se servir d‘applications qui utilisent votre empreinte digitale, le contour de votre main ou votre iris ?
Certaines entreprises ont recours à des systèmes qui utilisent votre empreinte digitale, le contour de votre main ou encore votre iris. Ces informations, dites « biométriques » car relatives à votre corps, sont des données à caractère personnel. Elles sont donc protégées par la loi.
S’agissant de données sensibles, votre employeur ne pourrait utiliser ce type de système que pour des raisons sérieuses et dans des situations limitées, qui sont évaluées au cas par cas.
Par exemple, si vous pratiquez des activités spécifiques (de la recherche par exemple), que vous pouvez accéder à des données strictement confidentielles au boulot ou que vous travaillez sur un site sensible (comme un site militaire), il est possible que votre employeur vous impose l’utilisation de ce type de système.
Votre employeur peut-il librement disposer de vos données biométriques ?
L’utilisation d’applications biométriques au travail doit être justifiée par un besoin élevé de confidentialité ou de sécurité.
Ces applications servent à vous identifier ou à contrôler les accès aux bâtiments et sites de l’entreprise. En conséquence, votre employeur ne pourrait pas utiliser votre empreinte, le contour de votre main ou votre iris afin de vérifier la correcte prestation de vos heures de travail. En effet, il doit favoriser les solutions les moins attentatoires à vos droits. Par exemple, il devra privilégier le recours à un système de badges de contrôle, plutôt qu’une utilisation de vos données biométriques, s’il veut mesurer votre temps de travail.
Votre employeur peut-il enregistrer librement vos données biométriques ?
Votre employeur est encouragé à utiliser l’application biométrique qui laisse le moins de traces possible. A titre d’exemple, une numérisation de l’iris laisse moins de trace que celle de l’empreinte digitale. Elle devra donc être privilégiée autant que possible.
Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) considère les données biométriques comme des données sensibles. Il instaure une série d’obligations à charge de votre employeur concernant leur traitement (comme la tenue de registres) et de droits à votre profit (comme un droit d’accès, de modification et de suppression des données collectées). Votre employeur doit donc respecter ces obligations, s’il recourt à cette technologie.
Augustine Hermans
Une experte en la matière : l’Autorité de protection des données
L’Autorité de protection des données (ancienne Commission de la protection de la vie privée) est une entité fédérale indépendante.
Cet organe est entièrement voué au bon respect des droits et principes relatifs à la protection des données à caractère personnel. Gardien du RGPD, il contrôle les traitements de données opérés par les entreprises et peut les sanctionner s’ils sont illicites. Il diffuse aussi des avis et répond aux questions posées par des particuliers.
N’hésitez pas à aller jeter à coup d’œil au site web de l’Autorité : www.autoriteprotectiondonnees.be. Vous y trouverez des informations sur une série de sujets relevant du droit à la vie privée et qui peuvent concerner votre boulot. S’y trouvent également des articles et des décisions qu’elle a rendues et qui vous concernent potentiellement.
Vous soupçonnez que vos données personnelles ont été traitées de manière illicite au regard du RGPD ? Vous pouvez introduire une requête ou une plainte auprès de l’Autorité. Elle dispose de services de première ligne et d’instances spécifiques afin de vous assister. Vous trouverez les détails de la procédure sur le même site web.