2025, annus horribilis pour les pensions en Belgique
En 1925 était promulguée la première assurance pension obligatoire pour les employés, qui deviendra le régime des pensions que l’on connaît aujourd’hui. Tout juste 100 ans après cette grande victoire des travailleurs, 2025 marquera une annus horribilis pour le régime des pensions, et sans doute aussi pour les fins de carrière.
C'est un fait: 2025 marquera un tournant dans l'histoire du régime des pensions en Belgique. Explications.
La pension à 66 ans
À partir du 1er février 2025, l’âge légal de la pension passera de 65 à 66 ans. Cela signifie que les travailleurs nés à partir du 1er janvier 1960 devront attendre au moins une année supplémentaire avant de pouvoir prendre leur pension légale. Pour rappel, la mesure avait été décidée en 2014 par le gouvernement de Charles Michel. Les raisons invoquées pour justifier ce choix étaient principalement de deux ordres : l’allongement de l’espérance de vie et le coût des pensions. Ces justifications ne sont pas valables.
S’il est vrai que les projections indiquent une espérance de vie plus longue, cet élément doit être mis en perspective. L’indicateur en lui-même n’est pas adéquat. Pour pouvoir profiter de sa retraite, il faut être en bonne santé. Or, l’espérance de vie en bonne santé en Belgique n’est que de 65 ans. En outre, cette moyenne cache de grandes différences entre les groupes de la population. Les personnes hautement qualifiées, qui exercent généralement des métiers moins pénibles, ont une espérance de vie en bonne santé de plus de 70 ans. Les personnes faiblement qualifiées, quant à elles, atteignent à peine 60 ans d’espérance de vie en bonne santé. Reculer l’âge pour l’ensemble de la population, sans prendre en compte la durée de la carrière ou la pénibilité du travail, est une mesure injuste car un grand nombre de personnes arrivera à la retraite en mauvaise santé et ne pourra pas en profiter.
S’il est vrai que le vieillissement de la population entraînera une hausse du coût des pensions, estimée à 5,5 points de pourcent du PIB, la réponse à apporter à ce constat relève d’un choix politique. La droite prétend qu’il n’y a pas d’autre choix que de faire des économies, ce qui implique de reculer l’âge de la pension. Paradoxalement, il n’est pas question de toucher aux pensions complémentaires, qui coûtent pourtant plus de 3 milliards d’euros par an en cadeaux fiscaux à l’Etat et sont incroyablement inégalitaires (*).Il y a pourtant d’autres choix : on pourrait par exemple augmenter les recettes afin de compenser la hausse du coût. Parmi les solutions, citons l’augmentation d’emplois de qualité et soumis à des cotisations de Sécurité sociale (pas les flexi-jobs), l’augmentation des salaires bruts soumis à des cotisations (ce qui implique une révision de la loi de 1996 de blocage des salaires) ou encore l’augmentation des recettes fiscales tant à l’égard des entreprises qui réalisent des surprofits que des patrimoines élevés, qui sont très peu taxés.
Derrière les différentes manières de (dé)financer les pensions se cachent des enjeux politiques : une répartition équitable des revenus et un partage équitable du temps de travail versus des revenus indécents pour une minorité de privilégiés.
La pension minimum moins accessible
À partir du 1er janvier 2025, les conditions pour bénéficier de la pension minimum seront plus strictes. Contrairement à ce que son nom laisse penser, la pension minimum n’est pas un véritable droit minimum. En effet, elle n’est pas ouverte à tout le monde. Pour y avoir accès, il faut remplir des conditions. Jusqu’à présent, il fallait comptabiliser 30 années de carrière comportant chacune au moins 156 jours équivalents temps plein de travail. Pour calculer les années de carrière, on prend en compte les périodes de travail effectif et des périodes assimilées à du travail (les périodes de chômage, de maladie, de crédit-temps, etc.). A cette condition de 30 ans de carrière s’en ajoute désormais une autre, adoptée par le gouvernement Vivaldi en 2024. Une personne devra en plus justifier d’au moins 3.120 jours de travail effectif à temps plein. Cela correspond à 10 années d’occupation à temps plein. Si certaines périodes d’inactivité restent assimilées à du travail (congé de maternité et congés thématiques, notamment), le chômage, le RCC et les crédits-temps ne seront plus pris en compte pour l’accès à la pension minimum. Il s’agit d’une atteinte au principe des périodes assimilées, qui laisse sous-entendre qu’il y a des périodes qu’il est légitime d’assimiler et qu’il y en a de mauvaises comme les périodes de chômage. Pire, à cause de cette condition de carrière effective, toute une série de personnes n’aura plus droit à la pension minimum. Aujourd’hui, près de 4 pensionnés sur 10 touchent la pension minimum. Les bénéficiaires étant en majorité des femmes (58%), l’atteinte aux périodes assimilées aura un impact négatif sur leurs pensions, d’autant plus que ce sont elles qui prennent le plus souvent des crédits-temps pour prendre soin des enfants.
Le bonus pension
Depuis le 1er juillet 2024, les travailleurs qui reportent leur départ à la pension (légale ou anticipée) au plus tôt au 1erjanvier 2025 pour continuer à travailler peuvent se constituer un montant « bonus » en net. Le travailleur recevra un montant net pour chaque jour travaillé après la date où il aurait pu prendre sa pension avec un maximum de 936 jours, soit 3 années de 312 jours. Par « jour travaillé », on entend les jours de travail effectif ainsi qu’un maximum de 30 jours assimilés par année (hors jours de crédits-temps) à condition d’avoir travaillé au moins 1 jour dans l’année.
Le montant du bonus dépend du nombre d'années travaillées à la date la plus proche de la pension. Si un travailleur comptabilise moins de 43 années de carrière (d’au moins 104 jours travaillés ou assimilés) à la date la plus proche à laquelle il peut prendre sa pension, il se constitue, pour chaque jour travaillé à temps plein (**) :
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12,5€, avec un maximum de 3.927,51€ durant la première année ;
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25,50€, avec un maximum de 7.855,02€ durant la deuxième année ;
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37,70€, avec un maximum de 11.782,53€ durant la troisième année.
Au bout de 3 années de travail à temps plein après la date de pension la plus proche, le bonus total net s’élèvera 23.565,06€. Le montant du bonus est proratisé en cas de travail à temps partiel.
En cas de carrière de 43 années ou plus, le travailleur constitue immédiatement son bonus au montant le plus élevé : 11.782,53€ par année, soit un maximum de 35.347,59€ sur 3 ans.
Le Service Fédéral des Pensions calculera et versera automatiquement le bonus pension. Il ne sera pas nécessaire de le demander.
En tant que syndicat, nous revendiquons depuis longtemps une amélioration du montant de la pension. Le bonus pension est loin de rencontrer cet objectif. En effet, l’amélioration est conditionnée à un rallongement de la carrière. Nous plaidons au contraire pour une réduction collective du temps de travail – qu’elle soit hebdomadaire ou tout au long de la carrière – pour partager le travail. Tandis que de larges catégories de travailleurs, notamment ceux qui exercent des métiers pénibles ou qui ont commencé à travailler très tôt, n’auront pas la capacité de prolonger leurs carrières et d’améliorer leur pension, les bénéficiaires du bonus pension risquent d’être les personnes avec les postes moins pénibles et mieux rémunérés, qui auraient de toute façon prolongé leur carrière et profiteront d’une aubaine supplémentaire.
L'ARIZONA
La supernote de la NVA, sur base de laquelle négocient les partenaires du – probable – futur gouvernement Arizona (NVA, CD&V, Vooruit, MR et les Engagés) prévoit ni plus ni moins de supprimer le régime de chômage avec complément d’entreprise (ex-prépension) et de durcir l’accès au crédit-temps fin de carrière, en allongeant la condition de carrière à 35 ans (au lieu des 25 ans actuellement). Il s’agit pourtant de dispositifs indispensables pour rendre soutenable la fin de carrière de nombreux travailleurs.
(*) 70% des bénéficiaires de pensions complémentaires se partagent 10% des revenus des pensions complémentaires, tandis que 1% des bénéficiaires profite de 20% du montant total.
(**) Ces montants augmenteront à chaque indexation.