Si le cadre dans une grande société n’a pas nécessairement la fibre syndicale, force est de constater qu’il existe des circonstances où, nonobstant la volonté de réussir sa carrière, le cadre verra de prêt le système tel qu’il est. Encore faut-il ouvrir les yeux.
En ce qui me concerne, c’est après 25 ans de collaboration au sein d’ALSTOM que l’envie de faire bouger les choses m’est apparue, d’une manière évidente et surtout, que j’ai franchi le pas : premier essai réussi aux élections sociales de 2016. Si j’ai tiré la liste en Conseil d’Entreprise pour les cadres, une première face au Groupement des Cadres maison, ce premier succès a été le résultat du rassemblement de quelques collègues, partageant la même volonté de changement, au moins d’essayer le changement et du vote de nos collègues car être élu, c’est être la voix de ses collègues, affiliés et non-affiliés.
Entré en 1990 chez ACEC Transport, fondée en 1988 sur les cendres du défunt ACEC, rattrapé par une faillite retentissante en 1988, j’ai eu le parcours classique d’un ingénieur en informatique, au sein de projets internationaux et ensuite dans le département IT. Beaucoup de beaux souvenirs, avec des difficultés cependant : risques de dépôt de bilan, début des années 2000 par exemple sans réelle information aux cadres : c’était frustrant.
En 2004, j’ai changé d’orientation pour le service Procurement où je suis toujours.
L’année 2015 et la revente à Général Electric des 2/3 du Groupe ALSTOM a été un choc pour nous tous, avec une structure complète Sourcing country passant sous giron américain. Je suis resté seul chez ALSTOM Transport avec mes 2 collègues hongroise et hollandaise : c’est dans ces moments-là où le contrat que vous avez signé il y a bien longtemps revêt toute son importance.
Ce fut pour moi le moment de passer dans l’action, au lieu d’attendre que d’autres me donnent des informations ou gèrent la discussion sur l’avenir, sans en avoir la légitimité car les cadres n’avaient pas de délégation syndicale. Outre la gestion des cas individuels, c’est aussi lors de tournants importants dans la vie de la société que la délégation peut peser et avoir des informations de première main.
En 2016, l’unique mandat de la CNE au Conseil d’Entreprise chez les cadres n’a pas vu de changement pour les négociations et échanges avec la Direction. J’ai dû avec la Centrale syndicale attaquer via un recours pour l’ouverture aux cadres à la DS Employés. Car un cadre, c’est aussi (et surtout) un employé.
De 2017 à 2019, et après une décision d’ appel, la décision tombe : c’est un recours gagnant qui a ouvert la jurisprudence à d’autres démarches du même type dans d’autres entreprises. Des entreprises préfèrent parfois éviter le procès et directement gérer la mise en place d’une DS pour les cadres : que de chemin parcouru pour l’ensemble des entreprises de la CP209, tant au Nord qu’au Sud du pays ! J’ai aussi une pensée au tout premier recours de la sorte, celui mené chez Caterpillar. La fin, tragique, montre aussi la limite d’un système mondial qui ne voit, en léger contre-pouvoir, que les syndicats et quelques réglementations européennes.
Pour le reste, beaucoup de CP n’ont pas ce soucis car les cadres y sont déjà représentés en DS. Notons que la CNE est le premier groupe aux élections sociales chez les cadres, et de loin.
A cette période, l’annonce du rapprochement d’ALSTOM et de Siemens et la perspective annoncée de la perte de 6 000 emplois dans le monde ont boosté les bonnes volontés : contacts inter-syndicaux transfrontaliers, contacts avec les divers syndicats des 2 Groupes, Industriall et les organismes de la concurrence à la CEE. Au final, le projet a été recalé par l’Europe, ce qui a marqué une belle page de la négociation syndicale et un plein succès.
Aujourd’hui, le temps a passé, nous sommes devenus fréquentables. L’ennemi, le DS Cadre CNE d’hier, est maintenant dans le décor où nous jouons notre rôle. Des membres du Groupement maison nous rejoindrons sur les listes en 2024. Il reste des places libres pour info. Actif au CE, en CPPT et en DS, le parcours est complet et la vision globale. Le climat social est bon, bien aidé par les 5 ans de backlog de nos commandes. En attendant les prochains orages mais c’est la vie. Restons sereins face à une direction que nous connaissons un peu mieux. En terme d’anecdote, l’ensemble des élus en CE m’ont désigné comme secrétaire du Conseil d’Entreprise, ce qui est une surprise et un signe positif.
Vous aussi, dans vos entreprises, vous pouvez relever les défis. L’inscription sur les listes syndicales CNE des élections sociales de 2024 peut être une aventure dont dans tous les cas, vous serez potentiellement le héros mais l’acteur certainement. Vous seul pouvez décider de sauter le pas, c’est le bon moment : vos collègues vous remercient par avance.
Jean-Marc Dullier
Délégué syndical Cadre chez Alstom