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Ukraine: comment tisser des liens syndicaux en temps de guerre

Entretien avec Denys Gorbach, chercheur à l’université de Lund (Suède) et auteur d’une thèse sur la classe ouvrière ukrainienne.

Denys Gorbach, quel est le paysage syndical ukrainien? 

D’un côté, il y a les syndicats dits "officiels" ou "traditionnels", héritiers du syndicalisme soviétique. A l’époque, le syndicat était le bras gauche de l’employeur : il assurait la paix sociale en faisant de la « gestion des ressources humaines » en offrant des services et des cadeaux (centres de vacances, etc.). Ce modèle est celui de la Fédération des syndicats de l’Ukraine (FPU), qui réunissait 4,8 millions de membres avant la guerre, principalement dans le secteur public et la grande industrie.

Site - DR - Denys Gorbach, chercheur à l’université de Lund (Suède)Ses revenus proviennent de sociétés immobilières (pour moitié), de subsides patronaux et autres. De l’autre côté, il y a les syndicats dits "indépendants", dont l’histoire prend racine dans l’immense grève des mineurs de 1989, qui a contribué à la chute de l’URSS. La plus grande structure, la Confédération des syndicats libres de l’Ukraine (KVPU), compte environ un million de membres. Dans les entreprises, il s’agit souvent d’environ 10% des travailleurs, souvent les plus qualifiés, qui peuvent se permettre de mener une lutte permanente contre l’employeur. Ces syndicats ont des caisses de grèves importantes mais fournissent aussi quelques services. Leurs revenus ne proviennent que des cotisations de leurs membres.

Quel rôle joue les syndicats ukrainiens depuis l’invasion russe? 

Les politiques néolibérales antisociales du gouvernement ukrainien se sont accentuées depuis 2022 mais les possibilités de les combattre sont faibles, vu la mobilisation militaire, la loi martiale et la mauvaise situation des entreprises (notamment due au blocus maritime). Les syndicats agissent en diffusant un contre-discours et en tissant des liens avec les mouvements ouvriers des pays occidentaux: c’est la pression venant de l’étranger qui est aujourd’hui plus susceptible de faire bouger les lignes du gouvernement ukrainien. Par ailleurs, ils apportent beaucoup d’aides matérielles à leurs membres partis au front. Le service juridique syndical est la structure la plus proche des familles des soldats tués au front pour les aider à établir auprès des services publics que la personne est bien morte au combat et non simplement disparue (sans quoi les aides d’Etat ne sont pas accordées).

Qu'en est-il dans les territoires occupés?

Le mouvement syndical du Donbass s’est scindé en 2014, quand les séparatistes aidés par l’armée russe ont pris le contrôle d’une partie de ce territoire. A cette époque, les syndicats "officiels" se sont reconvertis en se soumettant directement au nouveau pouvoir et les syndicats "indépendants" ont été bannis, comme toutes les autres organisations militantes indépendantes du pouvoir. Depuis l’invasion de 2022, il n’y a que l’armée qui avance, détruisant des villes entières sur son passage. Difficile d’imaginer un syndicat, quel qu’il soit, à Maryinka, Vovtchansk ou Marioupol soi-disant "libérées", où il n’y a plus ni entreprise ni maison… 

Que pouvons-nous faire ici pour soutenir les travailleurs ukrainiens?

Les efforts déjà entrepris par certains syndicats occidentaux (notamment français) sont extraordinaires: je parle des convois solidaires, grâce auxquels les travailleurs ukrainiens reçoivent de l’aide humanitaire, mais rencontrent aussi des syndicalistes étrangers et apprennent le sens du mot « solidarité » en pratique. Avant, on ne voyait pas l’intérêt de tisser de tels liens. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de rattraper des décennies d’isolement et de bâtir des ponts au lieu de reproduire le discours de l’extrême-droite sur la protection des frontières. Au niveau politique, une campagne menée par les forces de gauche pour accueillir l’Ukraine dans l’espace européen et pour lui permettre de se reconstruire grâce à l’annulation des dettes et au transfert des avoirs russes gelés serait la bienvenue. Une telle campagne se démarquerait des récits de l’extrême-droite prorusse et des libéraux qui veulent saigner l’Ukraine indéfiniment.

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