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L'édito de Felipe Van Keirsbilck suite à la fermeture d'Audi : " M.Audi.ts ! "

« La guerre ! ... C’est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires ! »  

Cette remarque célèbre n’était pas une plaisanterie. Dans une France ravagée et découragée, fin 1917, Clémenceau avait vu juste : laisser les militaires décider du devenir de la guerre conduirait tout le monde à une catastrophe sans fin.  

Audi à Forest nous démontre, une fois de plus hélas, ce que chacun sait (même s’il n’y a plus grand monde pour oser le dire) : l'économie, les entreprises sont des affaires beaucoup trop sérieuses pour les confier à des capitalistes. 

Il y a 20 ans, VW employait à Forest 5.000 personnes. En 2006, la direction de la multinationale décide de quitter Forest… puis propose d’assembler des Audi en échange de 20% de baisse des salaires (flexibilité, horaires allongés…) et d’aides publiques massives. Le chantage fonctionne. L’emploi est divisé par deux, les travailleurs subissent de lourds sacrifices et les pouvoirs publics offriront (avec notre argent) un million d’heures de formation à la multinationale pour passer en 2018 à la production de véhicules électriques. 

La décision de fermer vient bouleverser la vie de milliers de familles, et met à la poubelle ces immenses efforts. Qui est responsable de ce gâchis ? L’explication principale des dirigeants de VW et Audi c’est : « le SUV Q8 ne se vend pas » … ! Payés mille fois plus que leurs ouvriers, et supposés être de grands génies de l'économie, ces dirigeants semblent surpris que la population en Europe ne se précipite pas pour acheter à 100.000€ des voitures de 2 tonnes et demie…   

 

Qui croit encore que l’objectif d’une usine d’automobiles est de fabriquer des voitures qui correspondent à nos besoins réels de déplacements ? Dans un monde d’énergie rare et chère, aux routes toujours plus embouteillées, face aux ravages des accidents de la route, il fallait sans doute des voitures petites et légères, simples et sûres, faciles à partager et à réparer. Mais voilà : permettre aux gens de (bien) se déplacer est le dernier souci de ces patrons, qui sont là seulement pour accumuler le plus vite possible les milliards pour leurs actionnaires. Notre mobilité, ils s’en foutent. Nos emplois aussi. Et notre santé ? Rappelez-vous 2015, le « dieselgate » : ce sont les dirigeants de ce même groupe VW qui ont fait installer sur plus de 11 millions de voitures diesel le logiciel destiné à tromper les tests anti-pollution. Cette seule pollution supplémentaire a causé des milliers de décès prématurés. 

 

Pour un groupe dirigé – comme les autres multinationales, en gros – par des menteurs cyniques, VW se porte bien : 18 milliards d’euros de bénéfice net en 2023. Cette somme astronomique correspond à près de 30.000€ par salarié de VW-Audi dans le monde. Soit une hausse en vrai salaire de 2.500€ bruts par mois… Ce serait quand même autre chose que les soi-disant « 500€ » des menteurs de l’Arizona… Ces 18 milliards, les travailleurs les ont produits, mais jamais reçus. Les clients les ont déboursés, croyant payer pour une voiture, mais engraissant du même coup les familles actionnaires majoritaires… 


Après Caterpillar, Delhaize, et cent autres exemples, Audi vient nous rappeler que dans un monde décent, où vous et moi (et les employés et sous-traitants d’Audi) serions considérés comme des êtres humains dignes de respect, et pas comme de la chair à profit, les milliardaires ne pourraient pas continuer à disposer de nos vies et de notre temps, de notre santé et de nos métiers… Ni continuer à faire comme si les entreprises leur appartenaient. Ils possèdent les actions, soit : mais les entreprises appartiennent à celles et ceux qui y travaillent, aux travailleurs organisés.  

Les entreprises sont décidément une affaire trop sérieuse pour que nous les laissions à ces (maudits) milliardaires. 

+ PUBLICATION | Retrouvez cet édito dans notre " Droit de l'employé de septembre 2024 "
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